Parce que la F18 c'est fun. photo: Franck Tiffon

Les premiers F18 sont apparus en 1994 (Mattia, Alado et Hawk), issus des raids de la 18 ICCA, de la volonté de la FFVoile de sortir de l’impasse des ratings et autres discussions (embrouilles ;-) ) de parkings liées aux régates en temps compensé, cette jauge à restriction a tout de suite rencontrée un succès international. La France reste la fille aînée, tant par le nombre et la qualité  des compétiteurs que par les chantiers et les modèles performants mis sur le marché. A moins de dix jours du Championnat du Monde à Grosseto (ITA) qui en regroupant plus de 170 équipages venus de 21 nations sera donc l’évènement de l’année de la planète catamaran de sport, il est intéressant de faire la revue des attraits de ces 180 kilos avec 42 m2 de toile au portant.

Raison n° 5: le rapport plaisirs/prix est imbattable, si vous évitez le neuf…

Après un gain (modeste) au loto, le décès de votre vieille tatie et le 1/10 du pavillon qui vous revient permet de craquer sur le neuf. Cependant à  l’heure de la crise économique et de la chute des pratiques, la F18 c’est pas cher surtout si deux équipiers partagent investissement et frais, c’est un argument non négligeable. Il suffit de ne pas succomber au sirènes qui vous font croire qu’avec le bateau du Champion du Monde vous allez gagner .

Pas de charbon dans la perche, les coques ou les poutres, pas de dérive en C, Z et autres lettres de l’alphabet qui ne soit pas un i majuscule, le F18 en 2013, reste un catamaran basique et économique à l’entretien. A condition de ne pas focaliser sur le  modèle qui a gagné le dernier championnat international et qui donc est à la mode (mais est il adapté à votre niveau technique et votre morphologie ?) , vous pouvez trouver des occasions en bon état à moins, vraiment moins, de 10.000 euros -voir l’annonce en haut à gauche-. Une fois dans le circuit vous ferez le bonheur des chasseurs de podiums, en rachetant des spis et foc d’occasion (une saison de 5 régates) pour eux et super pour vous. L’argent économisé est à consacrer à des stages et des entraînements. Dans catamaran de sport, il y a le mot sport et l’on verra que c’est important dans cette série.

En effet ainsi équipé pas de complexe du côté du matos, si vous êtes derrière le top 10 du National ou le top 20 d’une épreuve internationale, c’est que vous jouez avec vos camarades du milieu de peloton avec le plaisir (malsain :-) ) de déboiter un modèle récent et donc coûteux. Un Tiger qui gagne un National espagnol ou US, c’est la réalité, il suffit que des bons venant du Tornado, soient dessus. De manière moins radicale un Capricorn dessiné il y a plus de 12 ans,  permet de passer dans le top 10 à la bouée au vent lors de la dernière Eurocat ou d’être 8ème du National français 2012, confirme que le problème majeur à bord qui empêche d’être devant, c’est plus la viande que le plastique.

Raison n°4: vous pouvez choisir le support qui vous va

Bernard et Pierre: 160 kilos à deux, un niveau champion du monde de leur baie, amateur de raids et de bière, à eux un F18 grosses fesses (je parle ici des coques…), espar raide (je parle ici du mât) , dérives avec une corde raisonnable et voiles all purpose (pas la marque, Fred ne m’a rien donné ! , c’est à  dire toutes conditions en bas breton), plutôt creuse pour ne pas transformer le long bord dans 6-8  noeuds clapoteux en chemin de croix.

Madame fine barreuse venant du dériveur et Monsieur devant à 138 kilos et 7 kilos de plomb, seront à l’aise sur un support plus typé triangle, voiles plates et dérives à corde rikiki et  sans fin permettant de gagner les 3° d’angle au près sur 50 mètres, qui feront le bonheur du Week End. Avoir le spi de 19 m2 dans le coffre pour les courses ventées est une subtilité à ne pas négliger.

Paul et Yoann, 21 ans, venant directement de la filière jeune, 145 kilos, iront vers un mât souple, un bateau maniable pour négocier tactiquement les 200 mètres avant la bouée au vent et rester dans le match avant la descente sans tomber dans l’excès de dérives qu’ils ne peuvent descendre à fond dès que le vent dépasse 5 noeuds.

Vous aimez le bateau que personne connaît bienvenu en F18 avec l’Exploder polonais, l’Edge australien (en photo ci -dessus, celui qui navigue sans foc), le Falcon américain, voir même le modèle collaboratif que l’argentin Vanzulli essaie de promouvoir.

Si je rajoute que c’est la qualité du départ, des virements et le fait de rester dans le terrain de jeu avec du vent qui fera l’ordre de passage à la bouée au vent plus que la dernière astuce qui explore les  limites de la jauge, permettant de gagner 3 longueurs sur un bords de 4 minutes, vous aurez saisi la force et l’intérêt de la Formule 18: faire courir ensemble et en temps réel un maximum de gens avec des profil différents.

Raison n°3: le programme est varié

Bien sur il faut faire les régates du club en intersérie, ne seraît-ce que pour expliquer à vos camarades de parking que c’est plus drôle de régater quand c’est le premier qui franchi la ligne qui gagne … et puis ça apprend la modestie sauver le rating d’un F18 est un bon challenge.

Après vous avez les 4/5 week-end dans l’année où vous êtes autorisé à dilapider sans compter l’argent du foyer. Ici le temps réel est le luxe minimum qui va avec les frais de déplacement, il s’agit de vérifier que la catégorie F18 est bien ouverte et dans l’avis de course et dans la fiche informatique FFVoile. Consulter le site f18.fr pour connaître les régates mise au calendrier est l’autre moyen de choisir un rendez vous festif et sportif validé par les pratiquants.

Même au mois de novembre vous pouvez choisir entre la métropole pour des triangles (Marseille, GP de l’Armsitice) ou le paradis de Saint Barth et maintenant la Martinique, un peu plus tard si votre connexion internet est à 512 ko et ne vous permet pas de bien figurer lors des speed tests d’inscription. Entre National F18, Texel et le Championnat du Monde ou d’Europe quand le titre mondial se joue hors le vieux continent vous complétez une saison sportive riche qui s’étale sur 10 mois.

Raison n°2: le niveau est relevé, de l’élite mondiale à la Gentleman Cup

Ce n’est pas un hasard si Backès, Besson, Vaireaux, Hermskeerk sont rejoints par les stars du large Gabart et Cammas sur les F18. Refuge des Tornadistes orphelins depuis 2008, le niveau de la série est particulièrement relevé. Même jouer en second rideau relève du bon niveau sportif entre jeunes toxiques élevés au grain de la filière jeune fédérale et vieux briscards à qui on ne la fait plus et qui viennent pour la 10ème fois sur ce plan d’eau.

Si j’étais  Iker Martinez multi-médaillé venant du skiff et du large mais comme tous les prétendants au support olympique,  pour progresser en cata, je ferai de la F18. Non seulement car il pourrait retrouver ceux qui sont devant dans la série mixte, mais aussi parce que cela permettrai techniquement de se concentrer sur une paire d’aspects spécifique à notre sport et réserver du temps aux  joies particulières de la mixitude sur dérives courbes. Je dis ça… ;-)

Vous pouvez aussi apprécier vos progrès (si, si…) sur le Championnat de Bretagne des raids, le Championnat sud ou la ranking list de l’Association Française de Formule 18, sans oublier la Gentleman Cup ouverte depuis 4 ans sur la Coupe Nationale et maintenant sur les Corsaires et le Duc d’Albe. Classement spécifique pour les compétiteurs classés au-delà de national 4 par la FFVoile. Association dont vous élirez et les dirigeants (des compétiteurs comme vous) et les principes de classements (circuit majeur national) et du choix de l’asso française pour les évolutions (ou non)  des bateaux au niveau international.

Raison n°1: c’est « ben fun »

Glisser à près de 20 noeuds sous spi, l’équipier volant au bout de la ficelle à rôti (perso avec 95 kg, je préfère le cable acier, je sais c’est psychologique…), double trapèze au près dès 8 noeuds, des bagarres à chaque bouée, viriles mais correctes (le F18iste passe son temps à la buvette et laisse tranquille le jury), des paysages grandioses que seuls un catamaran marin comme un F18 permettent de contempler des côtes de la bretagne nord de la Costarmoricaine à celles VIPesques de la Saint Barth Catacup. Des bords de largue de furieux sans trop craindre de sancir car on apprécie les 5,5 mètres de la coque et en particulier les 50 derniers centimètres tout la bas devant. Pour finir un départ au côté du dernier vainqueur du Vendée Globe, c’est en F18 et pas ailleurs. Comme de discuter sur le parking avec des acteurs du Classe C, de l’AC45 et de l’extrême 40, bref le top de la voile moderne.

Même les meilleurs, ici François Gabart avec Mathieu Vandame, doivent dompter Le Catamaran de Sport. Photo extraite d'une très belle série de Jérémy Bidon: http://jeremybidon-photographie.tumblr.com/

Il était de bon ton pour certains pratiquants et techniciens des bateaux lents ou avec une coque en moins de remettre en question les qualités nécessaires pour les sportifs du catamaran et le niveau induit des compétitions. J’ai même entendu qu’il ne pouvait pas y avoir de niveau sur un Championnat d’Europe jeune car les français trustaient les premières places… Ces approches fausses sont dépassées, décalées par rapport à la réalité, à tel point qu’elles font aujourd’hui sourire pour peu que l’on considère quelques faits.

Le passage du dériveur au cata n’est pas l’assurance de médailles chez les jeunes, mais relève d’une nécessaire remise en cause préalable à un apprentissage spécifique.

Certes au début de la filière jeune en 2002/2003, certains jeunes de l’optimist on pu glâner une ligne de palmarès en faisant un Championnat de France Tyka. Mais ce parcours alternatif est devenu rapidement particulièrement escarpé. Aujourd’hui des tops guns de l’optimist qui basculent sur le SL15.5 doivent d’abord franchir la barrière de l’appréhension de la vitesse, du travail passionnant en équipage et de l’anticipation indispensable dès que l’on navigue à plus de 8 noeuds.

Certains y parviennent ! Je note cependant que c’est au sein de grosses écuries du catamaran de sport et qu’ils sont issus de famille avec un gros capital et vécu « bicoquesque ». Gérer la surpuissance, glisser sans se faire dépasser, cela  sans réduire la toile est une caractéristique que nous ne partageons pas avec les planches à voile ou l’habitable.

Les stars du large viennent au catamaran de sport pour briller mais  elles sont (très) bien accompagnées

Franck Cammas est vice-Champion du Monde 2009 F18 avec Jérémie Lagarrigue comme équipier. Une Volvo Round plus tard et 3 ans après  sur  Nacra 17 avec la très talentueuse et expérimentée lasériste Sophie de Turkheim, c’est encore la barrière de la gestion de la surpuissance (et aussi une blessure pour être juste  et démontrer aussi  que dans catamaran de sport, chaque mot compte) qui remet en avant la spécificité et la  grande technicité du catamaran de sport.

François Gabart, le héros du Vendée Globe est équipé par  Matthieu Vandame Champion du Monde F18 en titre pour faire son come-back en cata après un début de parcours en Tornado qui a surement aidé à gérer un 60 pieds autour du gros glaçon. Si l’on rajoute les moyens importants de ces écuries du large , ne pas être devant sur une compèt. de petits catas relèverait alors de l’ « accident industriel ».

En AC45 ou AC72 rien ne remplace l’expérience de la limite sur engins de plage, car le club de ceux qui régatent et finissent devant au-dessus 20 noeuds établis s’avère assez élitiste.

Force est de constater que les barreurs virtuoses en cata de sport se reconnaissent au fait qu’ils savent ne pas chuter (ou fort peu) dans les conditions extrêmes et donc évitent ainsi la casse matériel et physique. Au dessus 20 knot, on retrouve toujours les mêmes qui restent sur la ligne de départ et qui sont à l’arrivée, c’est le petit club des « hardsailors ». La démonstration de Billy Besson, Jérémie Lagarrigue lors de la dernière course folle à Carnac est révélatrice de cette hiérarchie implicite et néanmoins très forte.

Acquérir ce vécu du bord de la falaise demande du temps, du courage physique et des moyens :-) . Ici des supports rustiques mais exigeants comme le HC16 ou le Dart 18 constituent des outils  indispensables de cet apprentissage/révélation d’une capacité rare. Lors d’un journée ventée pour les AC45 à Naples c’est bien Ashby qui gérait ETNZ dans les descentes.

Si les catamaristes plongés dans une éclipse olympique ne sont pas sous les feux de la barre, ils constituent un des piliers forts de l’aventure d’une Coupe de l’America qui explore la régate à grande vitesse, celle du XXIème siècle. Chez les jeunes où la médaille lourde est plus rare c’est bien la filière catamaran jeune, particulièrement en France, qui alimente les équipages adeptes de la boisson énergétique.

En Nacra 17, les hollandais volants exploitent leur habitude de la brise et au niveau des français Billy Besson, Moana Vaireaux, Matthieu Vandame ont cassé quelques barres de liaison de petits catamarans bananés tout comme Audrey Ogereau et Manon Audinet issues directement de la filière jeune sur 2 coques.

Iker Martinez y arrivera sans doute mais ses débuts en Nacra 17 montrent que la marche est haute pour passer du skiff au catamaran de sport

Il faut d’abord saluer le courage de cette  icône du 1/2 bateau instable et surtoilé. Qu’un olympien, passé avec succès par le large, remette le couvert mérite le respect. D’autant que ce n’est pas facile, il suffit de regarder sa place même sur un rendez vous du circuit international B de l’Eurosaf à Medenblick. Un  Championnat d’Europe HC16 est féroce aussi et on a vu des médaillés d’or d’autres disciplines se contenter d’une place très honorable dans le top 20. Que ce soit en Classe A ou en Formule 18 (plus de 160 inscrits venus de 20 nations différentes pour le prochain opus mondial à Grosseto en juillet), se placer dans le top 20 relève objectivement d’une performance de sportif de haut niveau.

A ceux qui persistent à penser que régater sur une seule coque est le nec plus ultra, je ne peux que les inviter à venir rejoindre le catamaran circus et à confronter leur idée pré-conçue avec la dure réalité du cadre ou de la porte sous le vent entre 12 et 20 noeuds ;-)

© 2017 CataMag Suffusion theme by Sayontan Sinha