Après avoir entonné une marseillaise rageuse, Cédric et Laurent Bader, les Champions, étaient émus sur le podium du Championnat d’Europe Hobie Cat 16 dont la phase finale s’est tenu à Arzon (56) du 1er au 4 août. Leur joie et émotion se comprend après 4 jours de régates folles et particulièrement sélectives.
De la régate moderne, rapide et de haut niveau
L’édition 2012 du Championnat d’Europe Hobie Cat 16 Open confirme que dans l’attente du retour d’un circuit international sur un support olympique, les régates de la flotte Gold constituent bien la seconde épreuve en terme de niveau sportif pour les catamarans en équipage après le Championnat du Monde Formule 18. Ceci s’explique par un combat à armes égales, des voiles fournies par l’usine, les 64 meilleurs équipages se qualifient soit au niveau national soit par le Championnat jeune, le prélude à cette grand messe du cata de sport pour équipages affutés venus de 10 nations (FRA, ITA, AUS, AUT, GER, NED, POR, ESP, BEL, DEN).
Un départ moyen: tu es aux choux, d’ailleurs tous les départs ou presque se font sous pavillon noir (élimination directe en cas de départ anticipé) et cela calme à peine les bougres. Un mauvais virement: tu regardes la flotte de derrière, un nuage négligé et 20 catas te repassent devant, une appréciation moyenne du bord suivant (cela revient à jouer aux échecs en prévoyant une 1/2 douzaine de coups à l’avance) et tu perds les 5 places gagnées sur le présent bord. Le tout une coque en l’air la plupart du temps et à une belle vitesse qui fait le charme du cata. La régate moderne est un jeu de glisse et de vitesse. On part du principe que tu vas (très) vite comme tous ceux qui sont là, c’est la condition préalable pour prétendre à la première moitié de la flotte.
Même dans la flotte Silver des 51 équipages non qualifiés, les débats entre les dix premiers furent intenses, un équipage jeune français: Jolann Neiras et Marjorie Duret s’y imposent.
En flotte Or (gold) une erreur se paie cash, et cela durant 4 jours et 12 courses qui durent une heure chacune. Il y a des légendes du cata comme Mitch Booth, Jérôme Le Gal et des anciens Champions du Monde ou d’Europe à chaque coin de vagues. Mêmes ceux-ci, se cassent les dents sur cette épreuve élitiste. Ici pas de sous-classement pour l’âge du capitaine ou le sexe des anges, tu es bon tu es devant, sinon tu manges. Certains préfèrent abandonner tant la leçon est parfois rude.
Car il faut, outre des nerfs d’acier, la capacité de s’accrocher, mais aussi de l’audace; les départs babords (sans priorité) des frères Bader qui emportent cette édition sont épiques. Un retour du vent à droite après le grain, une ligne de départ qui avantage au viseur (à gauche de la ligne), économiser un virement soit une vingtaine de mètres sont les ingrédients d’un choix de départs à chaque fois particulièrement risqué. Pas moins de quatre fois ils traversent la flotte au départ en étant babord amure, passant à quelques décimètres des furieux dont ils doivent se maintenir à l’écart (règle de course à la voile n° 10) , risquant la « protest » qui les éliminerait du podium. Ces coups de folie calculés paient. Les frères venus de Saint Tropez gagnent les 3 courses de l’avant dernier jour et un superbe Championnat âprement disputé de la première à la 30ème place.
Mais il fallait aussi de la prudence pour se contenter d’une place moyenne, une grande technique et de la finesse: ici pas de spi pour se tirer au portant, juste faire glisser vague après vague. Apprécier la raideur d’un président de comité de course (John Coveney), surtout désireux de se faire respecter par 128 régatiers morts de faim et qui n’hésitent pas à relancer une procédure de départ alors que des équipages déjà loin au vent n’ont même pas réalisé qu’il y avait un rappel général.
L’audace de Cédric et Laurent Bader
Entre 8 et 18 noeuds, des grains, du clapot, des nuages, ce furent des batailles terribles avec des rebondissements incessants, des mines tendus, peu de sourires qui alternent avec des explosions de joie pour une place arrachée dans le top ten…
Des conditions médiums parfaites entre 10 et 18 noeuds de sud ouest, sous les grains nombreux, avec du clapot demandaient une grande maîtrise de l’ art de la régate en catamaran pour anticiper sa trajectoire du bord suivant en fonction du passage du nuage. Le légendaire Mitch Booth naviguant avec son dernier fils gagne une course, Jérôme Le Gal, Champion du Monde en titre et toujours extrêmement véloce, jette l’éponge avec Andy Dinsdale après une DNE, pénalité non retirable pour avoir régaté après un départ anticipé sous pavillon noir.
Orion Martin et Charlotte Hilliard les Champions d’Europe en titre sont 4ème, perdant tout espoir de podium avec une 30ème place, dans la 12ème et dernière course. Les australiens Chris Hancock et Georgia Warren-Myers sont seconds à un petits points des 3èmes: les allemands Ingo et Sabine Delius. Ce fût un Championnat sportivement captivant et de bonne tenue.
Les jeunes français plongés dans le grand bain s’en sortent avec brio, cela promet pour l’avenir du cata tricolore.
Trois équipages jeunes français réalisent une belle performance dans le top 15 et pas seulement ceux sélectionnés au sein de l’équipe de France jeunes Hobie Cat 16 ci-dessous en photo. Ce qui souligne la richesse et l’excellent niveau sportif de cette filière: les carnacois Loïs Berrehar et Emmanuel de Colombel (9ème), les locaux Solune Robert et Riwan Perron (13ème) et l’équipage Royan Atlantique: Thomas Tiffon, Augustin Hugues (14ème).
Ce qui constitue l’ illustration supplémentaire et internationale du caractère incompréhensible et injustifié du projet de la ffv de supprimer le Championnat de France espoir Hobie Cat 16 dès 2013. Pour bien comprendre cette triste perspective infligée au cata de sport, en dériveur cela reviendrait à envisager de supprimer le Championnat de France Laser ou 420.
L’année prochaine c’est en Allemagne à Travemünde que se jouera cette épreuve incontournable du catamaran de sport.
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