Les 4 titres mondiaux consécutifs de Billy Besson- Marie Riou constituent un exploit phénoménal. Oublier le parcours, la 7ème place de Moana Vaireaux- Manon Audinet serait injuste. Frank Cammas le surdoué de la course au large est venu, avec une vraie humilité tout en se donnant des moyens conséquents, jouer dans l’arène des dingues. Cammas sans son accident, au vu d’une belle semaine à Barcelone lors du dernier Championnat d’Europe, aurait pu placer un 3ème équipage français avec Sophie De Turkheim haut dans la liste de résultats.
Exception culturelle
Franck Citeau a beau expliquer que les bateaux tricolores sont à la jauge et inviter ses homologues étrangers à venir les voir de près, durant Clearwater, les grenouilles n’ont pas échappé à l’attention particulières des jaugeurs. C’est normal. Mais les arbitres regardent du mauvais côté, surtout que le Nacra 17 n’est pas un catamaran français…
On comprend facilement que cette french touch hérisse un peu un monde anglo-saxons qui considère le jeu de la régate comme un espace privé, largement dominé par l’empire britannique dans la plupart des segments. La belle interview de Mitch Booth, 90 minutes qui s’écoutent comme un roman agit comme un révélateur. La légende vivante de notre sport montre que si la hollande est l’autre pays du fromage (et un pays d’adoption), l’australie est surtout l’autre coeur de la culture catamaran forte. Pour mémoire Jason est le fils de Rod Waterhouse, il navigue avec sa cousine Lisa. Family story et Hobie/Tornado way of life.
Le catamaran de sport a apporté le tiers des médailles d’or françaises aux JO en voile depuis la seconde guerre mondiale.
Et en seulement 9 olympiades, cela peut piquer les yeux . Il y a donc une vraie culture haut niveau du catamaran de sport construite en France. L’épicentre en est l’ENV et cela rayonne jusque dans les conches perdues et outre mer.
Le plus remarquable s’avère l’économie de moyens. Pas de pôle, pas de structure dédiée, des budgets fédéraux dérisoires accordés aux techniciens (5.000€ pour les jeunes tops de la F18 durant des années…). Il ne s’agit pas ici de briller dans des compétitions franco-françaises en surfant sur la légende de Tabarly , sur le JT de TF1 ou les grosses têtes de RTL, mais de tailler des croupières (ou se faire tailler des shorts) à l’international. Cammas a intégré cette démarche et ce gagneur « quasi-pathologique », selon le titre de son livre, n’a ainsi pas choisi le catamaran de sport par hasard.
La capacité française à briller en catamaran repose d’abord sur les mémoires vivantes de Beg-rohu et son plan d’eau idéal. Et aussi sur l’énergie sportive des clubs qui ont su maintenir un haut niveau de compétition nationale malgré une politique fédérale destructrice depuis 2010. Les clubs FFVoile ont montré une belle capacité pour résister aux erreurs multiples, les brimades injustes, les impasses de supports et continuer à former des jeunes talentueux.
Ici c’est la force du logiciel libre face à la centralisation sur le mode Microsoft. L’énergie de développement de multiples acteurs est plus forte qu’une entité unique aussi grosse soit-elle. Reste à la seconde pour survivre que de tenter d’étouffer par sa masse, la première. Funeste tentation.
Sélectionner sur l’eau, pas sur dossier, est une vraie clé de la réussite à l’international.
Le choix du comité de sélection Olympique est de s’en tenir dorénavant à l’établissement des règles et plier devant la performance, même si, ce ne sont pas les favoris. C’est sage. Qui ose contester le choix de Billy Besson et Marie Riou ? Le respect se gagne sur l’eau.
En revanche, six -6- équipages 49er masculins dans la délégation française à ClearWater (seulement deux -2- équipages féminins en 49er: un titre féminin vaut moins qu’un masculin ?) et seulement deux -2- équipages mixtes Nacra 17, cela pose question. Continuer de discriminer en fonction du choix du support (et accessoirement du sexe…), ignorer ou mépriser assez ouvertement, une recette qui fonctionne pour s’imposer sur le long terme, c’est fortement dommageable.
D’autant plus que les jeunes issus de cette filière d’excellence portée par les clubs, brillent dès qu’on les laisse s’exprimer sur l’eau dans le registre de la voile sportive moderne: du Tour de France à la Voile (2016 enfoncera le clou), à la Red Bull Foiling Generation (7 sur 8 en finale) où leur niveau d’excellence internationale est reconnu par Steinacher qui a vu les tops de 8 nations en 2015.
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