Il était de bon ton pour certains pratiquants et techniciens des bateaux lents ou avec une coque en moins de remettre en question les qualités nécessaires pour les sportifs du catamaran et le niveau induit des compétitions. J’ai même entendu qu’il ne pouvait pas y avoir de niveau sur un Championnat d’Europe jeune car les français trustaient les premières places… Ces approches fausses sont dépassées, décalées par rapport à la réalité, à tel point qu’elles font aujourd’hui sourire pour peu que l’on considère quelques faits.
Le passage du dériveur au cata n’est pas l’assurance de médailles chez les jeunes, mais relève d’une nécessaire remise en cause préalable à un apprentissage spécifique.
Certes au début de la filière jeune en 2002/2003, certains jeunes de l’optimist on pu glâner une ligne de palmarès en faisant un Championnat de France Tyka. Mais ce parcours alternatif est devenu rapidement particulièrement escarpé. Aujourd’hui des tops guns de l’optimist qui basculent sur le SL15.5 doivent d’abord franchir la barrière de l’appréhension de la vitesse, du travail passionnant en équipage et de l’anticipation indispensable dès que l’on navigue à plus de 8 noeuds.
Certains y parviennent ! Je note cependant que c’est au sein de grosses écuries du catamaran de sport et qu’ils sont issus de famille avec un gros capital et vécu « bicoquesque ». Gérer la surpuissance, glisser sans se faire dépasser, cela sans réduire la toile est une caractéristique que nous ne partageons pas avec les planches à voile ou l’habitable.
Les stars du large viennent au catamaran de sport pour briller mais elles sont (très) bien accompagnées
Franck Cammas est vice-Champion du Monde 2009 F18 avec Jérémie Lagarrigue comme équipier. Une Volvo Round plus tard et 3 ans après sur Nacra 17 avec la très talentueuse et expérimentée lasériste Sophie de Turkheim, c’est encore la barrière de la gestion de la surpuissance (et aussi une blessure pour être juste et démontrer aussi que dans catamaran de sport, chaque mot compte) qui remet en avant la spécificité et la grande technicité du catamaran de sport.
François Gabart, le héros du Vendée Globe est équipé par Matthieu Vandame Champion du Monde F18 en titre pour faire son come-back en cata après un début de parcours en Tornado qui a surement aidé à gérer un 60 pieds autour du gros glaçon. Si l’on rajoute les moyens importants de ces écuries du large , ne pas être devant sur une compèt. de petits catas relèverait alors de l’ « accident industriel ».
En AC45 ou AC72 rien ne remplace l’expérience de la limite sur engins de plage, car le club de ceux qui régatent et finissent devant au-dessus 20 noeuds établis s’avère assez élitiste.
Force est de constater que les barreurs virtuoses en cata de sport se reconnaissent au fait qu’ils savent ne pas chuter (ou fort peu) dans les conditions extrêmes et donc évitent ainsi la casse matériel et physique. Au dessus 20 knot, on retrouve toujours les mêmes qui restent sur la ligne de départ et qui sont à l’arrivée, c’est le petit club des « hardsailors ». La démonstration de Billy Besson, Jérémie Lagarrigue lors de la dernière course folle à Carnac est révélatrice de cette hiérarchie implicite et néanmoins très forte.
Acquérir ce vécu du bord de la falaise demande du temps, du courage physique et des moyens . Ici des supports rustiques mais exigeants comme le HC16 ou le Dart 18 constituent des outils indispensables de cet apprentissage/révélation d’une capacité rare. Lors d’un journée ventée pour les AC45 à Naples c’est bien Ashby qui gérait ETNZ dans les descentes.
Si les catamaristes plongés dans une éclipse olympique ne sont pas sous les feux de la barre, ils constituent un des piliers forts de l’aventure d’une Coupe de l’America qui explore la régate à grande vitesse, celle du XXIème siècle. Chez les jeunes où la médaille lourde est plus rare c’est bien la filière catamaran jeune, particulièrement en France, qui alimente les équipages adeptes de la boisson énergétique.
En Nacra 17, les hollandais volants exploitent leur habitude de la brise et au niveau des français Billy Besson, Moana Vaireaux, Matthieu Vandame ont cassé quelques barres de liaison de petits catamarans bananés tout comme Audrey Ogereau et Manon Audinet issues directement de la filière jeune sur 2 coques.
Iker Martinez y arrivera sans doute mais ses débuts en Nacra 17 montrent que la marche est haute pour passer du skiff au catamaran de sport
Il faut d’abord saluer le courage de cette icône du 1/2 bateau instable et surtoilé. Qu’un olympien, passé avec succès par le large, remette le couvert mérite le respect. D’autant que ce n’est pas facile, il suffit de regarder sa place même sur un rendez vous du circuit international B de l’Eurosaf à Medenblick. Un Championnat d’Europe HC16 est féroce aussi et on a vu des médaillés d’or d’autres disciplines se contenter d’une place très honorable dans le top 20. Que ce soit en Classe A ou en Formule 18 (plus de 160 inscrits venus de 20 nations différentes pour le prochain opus mondial à Grosseto en juillet), se placer dans le top 20 relève objectivement d’une performance de sportif de haut niveau.
A ceux qui persistent à penser que régater sur une seule coque est le nec plus ultra, je ne peux que les inviter à venir rejoindre le catamaran circus et à confronter leur idée pré-conçue avec la dure réalité du cadre ou de la porte sous le vent entre 12 et 20 noeuds
Je dois vous remercier pour le bref mais respectueux descriptif que vous faites de Sophie de Turckheim.
C’est le seul article catamaran, à ma connaissance, qui fait état de ses qualités.
Malgré l’avalanche de commentaires après sa victoire dans la SOF à La Rochelle avec Franck Cammas, pas un seul « papier » ne relate ses compétences.
Merci donc pour ces quelques mots sympathiques.
Une admiratrice de Sophie.
Effectivement Sophie de Turkheim mérite l’admiration. Pour la forme Noter cependant que ce post est largement antérieur à son titre rochelais puisqu’écrit relativement à la SOF, pardon la SWC de Hyères